Dimanche 23 & Lundi 24 mai : le Bishorn, 4153 m

Publié le 24 mai 2010 par fof74

Epaule de la Dent d'Hérens, Weissmies, Alphubel, tous ces noms circulaient comme objectifs pour ce WE annoncé avec une météo parfaite, tous ces noms qui pour les connaiseurs évoquent une altitude symbolique : 4000 m.

La barrière de 4000 qui ouvre les portes à tant de rêves.

Je voulais un sommet un peu alpin mais entre ce que Stéphane avait déjà fait et moi ce que j'avais déjà parcouru, il ne restait pas grand chose (rien pour ainsi dire...) L'épaule de la Dent d'hérens me tentait bien mais continuer ensuite jusqu'au sommet, ça je ne m'en sentais pas encore capable...

Alors de topos papiers en itinéraires C2C et skitour, on a fini par faire notre choix. Le Bishorn au fond du val d'Anniviers. Sommet facile en alpinisme estival, le "4000 des Dames" comme il est appelé risquait d'être moins fréquenté la pentecôte puisque le refuge de Tracuit est fermé.

Sacs plutôt chargés, et toujours pour ma part cet étrange mélange de motivation extrème et toujours d'un léger doute, d'une pointe d'angoisse. Et si.... et si quoi d'abord ?

Départ dimanche matin de Villaz 4 h 30 tapantes. Ciel si pur.

Le Léman, ses rives endormies, le Chablais de l'autre côté et ses ombres que je connais si bien.

Le Valais. Dents du Midi, comme une porte d'entrée qui défendent leur territoire.
Le soleil est maintenant bien levé.

7 h 00.

Parking de Zinal.

Tous ces sommets inconnus pour moi qui se dressent c'est déjà, d'en bas, impressionnant !

Mais quand je mets un nom dessus, c'est encore plus grandiose !

Dent Blanche, Zinalrothorn, rien que ça, nous dominent de leurs faces himalayennes.

Le sac est lourd, bien lourd même, crampons, piolet, corde, repas, vêtements, et skis surtout !

Stéphane penche pour un chaussage à 2000, moi je penche plutôt vers 2500 (c'est jamais que 800 m plus haut que le départ !!)

Montée à un petit rythme impeccable, sous ce ciel bleu immense, avec ces glaciers en point de mire dont je ne me lasse pas. Les cascades et torrents bondissent.

Les mélèzes sortent tranquillement leurs aiguilles.

Les marmottes sifflent à qui mieux mieux, c'est toute la montagne qui s'éveille.

Et on monte encore, il commence à faire chaud. L'Obergabelhorn montre le bout de son plat sommet posé sur ses arêtes raides et effilées.

Nous on commence doucement à entrevoir la neige. Des névés miniatures qui restent dans les combes. Les névés cèdent la place à de vraies langue de neige.

Le Roc de la Vache n'est plus très loin et on a dépassé allègrement les 2300 m. Le sac commence à se faire vraiment sentir, moi, à la première occasion, JE CHAUSSE !!!

A peine 100 m plus haut c'est enfin possible. Cela moyennera un déchaussage et quelques conversions dans les cailloux mais au moins le sac est un peu moins chargé.

On approche doucement justement de ce Roc de la Vache, au col duquel on basculera enfin sur le vallon menant à la cabane de Tracuit.

Et là, au col, waaaaaaaaaaa.

Bon, faut redescendre.

Pas grave !

Mais surtout, on voit bien l'itinéraire de montée au refuge. Effectivement c'est long (mais bon on était prévenus !), la fin est raide, mais ça on le savait aussi !

Mini descente pas mauvaise avant de remettre les peaux et de continuer à monter sous une chaleur de plomb.

On regarde l'heure car on en voit certains qui descendent dans une neige de printemps qui me fait baver d'envie ! 11 h, c'est bon à savoir pour demain ! Histoire de calculer l'heure de la descente !!!

Les marmottes sont les reines du secteur, on lève les yeux et on le svoit courir sur la neige, leurs empreintes sillonent les étendues encore bien blanches de partout !

Pour la montée, on y va tranquille, je retrace moins raide parce que on a l'impression qu'il n'y a que des raquettistes, qui forcément, tracent plus raide que les skieurs et c'est bien connu en plus, nous les skieurs on n'iame pas les traces de raquettes !!

Ma trace me va comme un gant (encore heureux !) moins raide, alterrnance de conversions et virages tranquilles, ça monte impeccable. Si le soleil ne chauffait pas autant je pourrais faire encore 1000 m comme ça (enfin peut-être pas quand même !)

Les cumulus annoncés arrivent et pour une fois, j'apprécie ces nuages, qui nous cachent l'espace de quelques minutes ce soleil qui nous cuit.

Enfin la dernière pente sous le refuge.

Dernière pause où le soleil finit de nous calciner.

Je pensais pour cette dernière pente prendre la trace des raquettes mais décidément c'est non ! C'est reparti pour une trace faite maison. Il y avait 20 conversions à faire, avec mon nouveau tracé, j'ai bien dû en rajouter quelques unes !! Justement dans cette jolie pente atteignant les 35° je vois venir que certaines conversions risquent de me mettre un peu mal à l'aise. Ca n'est pas sans me rappeler quelque chose ça !!! La dernière avant de rejoindre finalement la fameuse trace de raquettes mais pour déchausser, de toute façon il y a un mini couloir avec une chaine à remonter et skis aux pieds ça ne passait pas.

L'arrivée au refuge. La découverte du plateau glaciaire menant au Bishorn aussi et simplement le premier coup d'oeil sur l'objectif de demain. Il est tout proche !! Aucune raison de ne pas parvenir au sommet, ah non aucune !

Ca fait du bien de reposer les yeux fatigués de tant de luminosité, les muscles ayant bien bossé et le corps un peu fatigué. De prendre le temps de ne rien faire.

Les cumulus ont chargé le ciel. L'Oblerland semble bien dégagé alors que le Valais est recouvert d'un plafond. J'espère de toutes mes forces qu'au réveil au petit matin tout sera dégagé.

Quelques belles lumières du crépuscule tout de même, à savourer, sans modération !

4 h 25. A nouveau le réveil qui sonne.

Et comme à chaque fois dans ces circonstances, rien n'est plus facile que de me lever.

Je suis motivée.

J'ai tellement envie de cotoyer l'altitude, et puis aussi, d'avoir droit à ce spectacle qu'on ne voit nulle part ailleurs. Je crois que c'est ça qui m'a le plus manqué ces dernières années de vide montagnard (oui c'est bien beau de monter au sommet de la Bourgeoise minimum 5 fois par an avec mes loulous mais, même dans ces balades véritables bouffées d'oxygène il me manquait ça)

Toute la Montagne qui sort de sa torpeur.

Ces lueurs changeantes du jour qui poind.

Ces nuances de bleu, violet, rose, toutes ces couleurs colorant le ciel après que les dernières étoiles ne se soient éteintes. C'est sur le Mont Blanc, la Verte, le Grand Combin que la magie a lieu ce matin.

Et plus que des mots, qui ne sont dans ces cas là que follement dérisoires, il ne reste que des clichés, mais à qui n'a jamais vécu cet embrasement, les photos sont belles mais rien de remplace d'avoir vu ça "en vrai"

Ces choses là, je les ai vécues et ces émotions sont parmi les plus belles.

au départ du refuge, il est à peine 5 h 15

Objectif du jour bien en vue

Zinalrothorn et Obergabelhorn

Quand le sommet du Mont Blanc et la Verte s'embrasent...

Montée alors que l'Oberland dort encore

le sommet du Bishorn y a droit aussi !

Je me sens en grande forme ce matin. C'était un peu ma crainte en fait. J'ai toujours été royalement bien en altitude. Les rares fois où j'ai avoisiné ou dépassé cette belle alttude de 4000 m je n'ia jamais scillé.

Mais là, allez savoir, j'ai peur de fiallir.

Et pourtant non. Rythme de croisière.

On se calcule des pauses tous les 300 m.

La première est au dessus du col menant à la grande pente du Bishorn.

Le soleil nous éblouit. La magie des couleurs de l'aurore est terminée. Mais le spectacle des Alpes reste splendide.

C'est reparti.

Là, ouf, les skieurs ont fait leur propre trace. Pas si mauvaise en plus. Et vue la qualité de la neige, retracer eût demandé un effort supplémentaire. Ah oui tiens la neige, j'en n'ai pas encore parlé...

Sous le col cela promet une descente assurément très bonne. les cycles de dégels regels ont fait leur boulot. par contre au dessus, ça promet une descente plutôt ... moins bonne !

De la neige de haute montagne en somme. Moins soumise à la chaleur, mais davantage au vent !!! Poudre soufflée, compactée, sculptée, des vaguelettes (enfin vagues plutôt !), plaques durcies mais non portantes, on va alterner ! On peut quand même voir que sur certaines sections on devrait pouvoir arriver à faire du ski pas trop mauvais.

Deuxième pause. Je récupère la corde. Altitude 3850 m (enfin à peu près !)

Le sommet est bien visible. De ce côté ci c'est bizarre il n'y a pas de trace... Peut-être les prétendants au sommet se sont contentés de l'autre pointe, 30 m plus bas. Mouais, j'voudrais bien fouler la vaie cime moi !

Allez, on repart. Reste donc plus que 300 m.

Fiou elle est longue cette dernière montée. Ne pas faillir. garder le rythme dans les jambes, dans la tête, rester c'est vrai un peu le nez dans les spatules, lever le nez pour ne pas tomber dans quelques jolis trous - brrrrrrr y a une crevasse dans laquelle je ne voudrais pas tomber...

Effectivement le sommet de gauche est tracé. Je veux voir au col si le sommet de droite est faisable. le Col. Yes, ça monte, facile en plus !!!

Arrivée au dépot des skis.

Et là, c'est l'éblouissement.

Le premier qui saute au regard c'est le Weisshorn.

Mazette. Le Weisshorn.

Cette face.....

Ces arêtes.......

Quelle montagne !

Ensuite et je le reconnais sans peine, c'est le Rimpfischhorn. Un peu mon Rimpfischhorn. Mon premier 4000. Et ouais, cette montée dans le couloir et le final sur l'arête aérienne, je l'ai fait !!

L'Alphubel est inratable avec sa cime toute plate.

A gauche, tout tracé, je ne sais pas ce que c'est.

Le Dom des Mischabel, rien que ça.

Et l'arête qui relie de Dom au Täschhorn. Pensée pour un grand homme qui a basculé là bas, un beau jour de fin avril 2004.

Les glaciers brillent.

Ah au fait, oui, on a déjà dépassé les 4000 m !!!

Purée, j'en reviens pas ce que je suis bien là haut moi !

Pour le final, on sort les crampons, la corde, le piolet, ça sera trop court même !!!

Et voilà, sommet du Bishorn, 4153 m

Tous les sommes se sont donnés rendez vous pour un panorama à couper le souffle. Le masif du Mont Blanc, la Verte, les Droites, les Courtes, l'Aiguille d'Argentière, le Chardonnet, le plateau de Trient et l'aiuille du Tour qui dépasse un peu, et puis le Buet aussi, et le Cheval Blanc dont l'arête s'est quelque peu dégarnie !!

La Dent Blanche, le Grand Combin, le Mont Blanc de Cheilon, le Pigne d'Arolla, l'Obergabelhorn, le Zinalrothorn et son épaule atteignable au prix d'une traversée d'arête qui en me plairait pas du tout !

Le Mont Rose aussi, et le Lyskamm.

Il en manque un c'est vrai. Le Cervin. Mais bon aussi bizarre que ça puisse paraitre le Matterhorn n'exerce pas sur moi de fascination débordante, je ferai bien sans.

Petit vent frais en haut, encore quelques photos et il faut bien descendre.

Nickel la descente en crampons.

Dernier coup d'oeil sur ces merveilles et c'est parti pour la séance "traversée-conversions" en skis.

Pour être honnête, ça n' a pas été ça toute la descente de la face du Bishorn !

Mais quand même !

3 sections de presque godille dans une neige un peu moins soufflée, avec une micro croute qui cassait directement.

Quelques passages à fond les ballons en espérant que le pas de patineur suffira à tourner dans ce carton pas agréable.

Et le reste dans une neige infâme où on cherche tant bien que mal à pedre de l'altitude. Traversée à gauche, conversion, traversée à droite, reconversion etc etc....

Sauf que le petit col est bientôt là. Et là, on va pouvoir commencer à faire du vrai ski !

Neige un poil trop dure encore (faut dire qu'il ne doit être qu'à peine 10 h 30), des grandes courbes à plein vitesse qui s'inscrivent mal dans cette neige pas encore bien revenue.

A l'approche du refuge, ça commence à chauffer un peu et c'est un prémice à une descente qui restera dans les annales...

On est tip top dans le timing !

Ultimes regard sur les sommets du secteur. Chose que je n'avais pas vu à l'oeil nu c'est la trace de descente sous l'Epaule du Zinalroth

orn... Ouvrez les n'oeils et vous verrez !!

Dent Blanc et Grand Cornier

Gros plans sur le Zinalrothorn (avec la trace de descente à gauche au dessus des gros séracs) et l'Obergabelhorn

Départ à nouveau du refuge, mais dans le sens "en bas" à vers 11 h 15.

Et là, là, c'est, indescriptible !

LA descente de neige de printemps sur 800 m de dénivelée. La moquette décaillée en surface, jouissif !

Oui, tout ça on l'a descendu dans une neige de rêve !

Option "chemin d'été" pour la descente. Pas à vue car on a vu que beaucoup montaient et descendaient sur Zinal la veille.

Effectivement ça passe.
Moyennant un déchaussage au niveau d'un petit passage expo.

echaussage pour 50 derniers mètres sur du névé même pas pourri !

Et ensuite c'est de nouveau le fardeau des skis sur le sac. Descente pas trop cassante encore, je m'attendais à pire !

Il fait terriblement chaud à Zinal !

Les corps sont un peu fatigués mais pour ma part l'esprit est ailleurs. Encore quelque part tout en haut à regarder les somments s'embraser au peit matin, à voir les glaciers briller sous le soleil. Avec une envie grande comme ça d'y retourner bientôt.