C'était comment ?... le 18 février 2001

Publié le par fof74

un petit tour vers 2001... L'hiver de tous les possibles, et de toutes les désillusions aussi...
J'ai hésité entre le Charvin et la brèche Puiseux dans la période "mi-fin février"
Ce Put*** de charvin, ah oui vraiment. Conditions de neige dégueu (merci le plantage de couteaux dans les touffes d'herbes pour rejoindre l'arête somitale), conditions météo pourries (super la descente directe sous le sommet dans le brouillard total), conditions perso pas top (bien ni sur mes skis ni dans ma tête) bref, ça aurait dû être ue sortie à oublier. Si ce n'est que j'avais "vaincu" le Charvin.... Ma première pente raide, quand même !

Mais c'est pas le Charvin que je veux raconter.
Non ma première incursion en Haute Montagne méritait bien de figurer ici. Les grand sommets vus par une toute débutante en la matière !
Février 2001 donc.
Un week-end complet à Chamonix.
Montée dans le brouillard au col de l'encrenaz depuis le col des Montets. Seuls les sommets émergeaient de la chape de nuages ce jour là.
Après cette première jolie course, direction le téléphérique de l'Aiguille du Midi.
Splendide.
La sortie des "niolles" au milieu du 2è tronçon en lumières de fin d'après midi restera un spectacle inoubliable.
La descente pourrie du haut de la vallée Blanche jusqu'au refuge du Requin un souvenir inoubliable aussi (mais moins agréable !)
On pourrait parler de la soirée au refuge aussi, pas vraiment des plus sympathiques (la gardienne avait plus l'air d'une sorcière que d'une gardienne de refuge et on avait été plutôt rationnés sur la bouffe...)

Donc, dimanche 18 février 2001...

"Le vent souffle, glacial, et a dégagé le ciel qui est d'une pureté absolue. Les étoilent scintillent encore au réveil, et ma grande reine apparait sous les lueurs de la fin de la nuit à mes yeux qui la fixent inlassablement. Couloir en Y, Whymper, par quelle voie j'arriverai donc à son sommet ? L'heure est aux préparatifs, il faut partir. Tout est en place, les baudriers, le piolet, tout va bien, nous sommes parés. Le Tacul commence à rosir doucement au-dessus des énormes séracs du Géant, ayant l'air encore plus dangereux ce matin, dévalant les pentes comme une immense cascade de glace. La descente qui nous mène jusqu'à la Salle à manger est aussi peu agréable que celle d'hier. Les recommandations sont les mêmes, j'ai une obligation formelle de prendre des distances et de suivre la trace de Fred à la lettre. Nous mettons les peaux, nous sommes les premiers, le vent qui a soufflé a effacé tous les passages précédents. J'essaie presque en vain, de bien réaliser où je suis, ce que je fais. J'ai beau équarquiler les yeux, saisir tous les changements de lumières aux quatre coins du massif, j'ai du mal à me rendre compte. Et pourtant. Et mes émotions ne sont pas prêtes de s'arrêter là. Elles vont augementer au fur et à mesure que je vais moi même m'élever. Le cirque des Périades est comme un des ces microcosmes indéfinissables. Un îlot sauvage retiré de la foule de la Vallée Blanche. Entourés de murailles immenses de roches et de glace, surplombés à gauche par une Aiguille du Tacul alléchante et devant nous une pointe rebelle (mais qui est-elle donc ?) nous entamons la remontée du glacier, traître d'après les expériences de Fred. Et je veux bien le comprendre. La glace, mêlée aux pierres qu'elle a soulevés dans son élan, nous entoure de manière visible mais aussi souterraine. Voir ces sculptures naturelles de plusieurs mètres de haut est déjà impressionnant. Imaginer que sous nos skis, alors que le manteau neigeux est plat, le relief est aussi accidenté, l'est mille fois plus. Notamment quand les risques se dévoilent, comme au passage de crevasses. Elle est là, sous mes pas, je vois le trou, la fente que je dois traverser. Pas d'autre choix, c'est là que ça passe. Je dois à la fois me hâter et ne pas me précipiter. Et j'ai envi de voir le fond. Je penche un peu la tête mais c'est tout noir, et ce qui me fait le plus peur c'est de ne pas savoir de quelle largeur est ce pont de neige...
Ensuite ça va mieux, nous sommes sur la moraine. Fred est toujours malade mais continue de faire la trace dans une belle et froide poudreuse.
Les rayons de soleil atteignent le gigantesque mur de roche en face de nous et je lui donne enfin un nom, c'est la Dent du Géant bien sur !! Depuis l'extérieur du massif, elle domine et règne en maitre sur son secteur. D'ici, elle est encore plus la gardienne des lieux, prête à jeter ses foudres. Nous touchons au but, le cirque se referme et nous nous rapprochons des falaises. La brèche Puiseux n'est toujours pas visible, toute cachée qu'elle est. Elle apparait cependant très vite et suscite mon admiration. Quel beau travail de la nature, elle semble avoir été formée pour le plaisir des alpinistes. Un magnifque couloir bien droit, bien raide, coincé entre deux lignes de granit. Nous sommes à plus de 3100 mètres mais la vue de ce couloir décuple mes forces. Quand on a parlé ensemble de ce projet, je me demandais si je serais capable de grimper là haut. J'ai la réponse, ô que oui je vais grimper là haut et même avec bravoure. Nous avons enfin un peu le temps de nous imprégner du paysage, de mesurer l'espace. Il fait très froid, heureusement qu'il n'y a plus de vent. Derrière nous les groupes du refuge remontent notre trace et nous rejoindrons bien assez tôt !

Bon, il faut s'équiper maintenant. Chausser les crampons, sortir la corde, attacher les skis sur le sac ainsi que les bâtons, et prendre le piolet dans la main. J'éprouve une fierté incommensurable d'être dans ces lieux, ainsi équipée. D'aucuns diront que cela n'a rien d'extraordinaire, et bien si, c'est extraordinaire, c'est magique, c'est magnifique.
Allez, c'est parti pour la suite de cette grande aventure.
Nous partons, alors que d'autres groupes sont également arrivés, presque prêts mais nous laissent ouvertement faire la trace. Durant les 300 m du couloir, personne ne viendra nous relayer. Sauf un dingue, en solo, qui grimpera comme une fusée. Moi, je vais m'attacher à retasser les marches, à planter mon piolet avec force et fougue, à la fois pour m'assurer un bon point d'ancrage mais également pour libérer toute mon énergie !
Le nez dans la neige, je progresse, et l'essaie de sentir la tension de la corde. Fred a dit "toujours tendue". mais c'est plus facile à dire qu'à faire, surtout quand on est second ! Un coup je vais trop vite et me fais gentiment réprimander depuis le haut, mais ensuite cherchant à garder la corde effectivement tendue, j'ai l'impression de me faire hisser et je n'aime pas ça. Et petit à petit de plantage de piolet en cramponages efficaces, je monte vers le ciel lumineux. Bientôt il sera à moi aussi. Le gars qui nous a doublés est en haut et cela me donne un surplus de courage et de vigueur. Je t'aurai jolie brèche, tu vas incessamment sous peu accueillir ma joie, mon émotion. C'est de cela qu'il s'agit, car je suis presque en haut et j'ai une irrésisitable envie de verser de chaudes larmes de bonheur. J'ai la gorge qui se serre, mes yeux se plissent et je préviens Fred, attention il va devoir se préparer à un trop plein d'émotions. Mais je ne le sens pas prêt à cela et je garderai mes larmes et mon grand bonheur, mon absolue fierté pour moi, à l'intérieur.

Mes derniers pas se font avec violence, parce que j'ai réussi, parce que c'est génial, parce que je suis allée au bout et que je me sens formidablement bien.
En haut les autres arrivent bientôt, je m'en fiche. Laissez moi le temps de regarder, de bien voir cette vue superbe, celle que je découvre, me remplir de l'ambiance, du soleil, des Grandes Jorasses, qui se dévoilent soudainement, si proches et presque accessibles...
Le Mont Blanc est superbe, la Vallée Blanche commence à accueillir ses touristes, ceux qui ne connaitront pas l'ivresse de ma joie. Et de l'autre côté c'est le royaume des alpinistes, les hauts sommest qui se gagnent à la force des mains et du coeur. Ah il me faut m'échapper de ces quelques centimètres de neige et de rochers pour laisser la place aux autres et rejoindre la plate forme au soleil. Fred installe le rappel et je peux entamer la descente sans me prendre les pieds dans la corde et ne pas me laisser emporter par les skis. Quand je me décroche, le récupère mon piolet et part en traversée, me pose face aux Grandes Jo, regarde derrière l'Aiguille du Midi et respire, et pense, et m'évade. J'aimerais rester là et en plus partir, je suis rentrée dans ce monde, je ne veux plus en sortir, car je ne sais pas si j'y retournerais bientôt... Fred a des tas de projets mais seul l'avenir me dira si je les partagerais encore.

Certains partent déjà rejoindre le soleil qui nous fait défaut, il tourne vite le bougre. Je prends 1000 et une photos, tout en sachant bien qu'elles ne retranscriront jamais tout ce que je ressens. Tout est là, au plus profond de moi, d'autant que cela y est resté, car je n'ai pas pleuré. Reviendrai-je ici même avec les AN, avec François en chef de course qui a prévu la rimaye du Mallet par le refuge de Leschaux en fin de saison ? Bonne question...
Nous commençons sérieusement à nous refroidir et il est temps de partir pour rejoindre le monde civilisé. Le retour va être dur. Je crains la neige de la descente. Je la sens pourrie plus que pourrie même. Et j'ai raison, c'est partout inskiable ! C'est pas la peine de chercher à faire des virages, ni même du ski, ce n'est pas pensable ! Cinq centimètres de poudre alors on tente un beau truc et plaf ! c'est de la croute juste à côté mais sur quelques mètres. La neige est soufflée et durcie, c'est la merde complète ! Fred n'essaie même plus de skier, il enchaine traversée sur traversée dans l'unique but de perdre de l'altitude. Moi je m'accroche et j'y crois encore, surtout quand la pente devient sérieuse. J'ai envie de me lancer et de montrer que je regorge encore d'énergie et de vie. Cela ne va pas trop mal, mes virages à demi sautés paient. Sauf un qui se termine par une jolie gamelle. Satanée croute !!
Dans la dernière pente, à la jonction du glacier de Leschaux, c'est preque bon, au moins je fais du beau et agréable ski, avant de retrouver le replat. Nous sommes sur la Mer de Glace et atteignons l'embranchement avec l'autoroute à touristes ! La grande aventure est terminée. Les derniers virages concluent cette escapade merveilleuse. La civilisation est de retour, avec ses gens, ses télécabines, ses trains et ses détestables marches. On paie pour monter avec les bennes et voilà que nous devons faire la moitié du trajet à pied... Ils exagèrent ! La benne d'ailleurs ne comptera que des randonneurs ! Le train est bondé. Je n'appartiens pas à ce monde là, le mien est derrière moi, tout de blanc vêtu, qui va bientôt se refermer dans le froid et se faire hostile aux présences humaines. Mon monde est véritablement celui là, je le savais déjà, mais chaque sortie me greffe un peu plus à lui. La séparation, si un jour elle doit avoir lieu, sera plus que douloureuse...
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