Jeudi 7 avril 2011 : Bernina J5. Traversée Coaz >> Marco e Rosa
Refuge Marco e Rosa. 19 h 47. 1° dans le refuge
Sous une tonne de couvertures. Avec les lueurs du crépuscule sur les centaines de montagnes anonymes environnantes. Après un repas du soir pas si frugal que ça pour un refuge non gardé (il fallait bien alléger les sacs de tous ces picnic non pris.) ni morose car Guillaume était tout de même très en forme ! Des "petits poissons dans l'eau" aux récits de buts en montagne en passant par X blagues plus ou moins foireuses et fous rires qui s'ensuivent !
Un peu frais quand même. Emmitouflés dans toutes les couches possibles et imaginables, tee shirt, polaire, softshell, doudoune et couvertures. Le tout après une journée encore riche en émotions.
Départ 5 h 20 de Coaz, on tente de se la faire plus discret que les énergumènes de 3 h 30..., pires que des éléphants dans un magasin de porcelaine....
Montée à la frontale dans cet univers glaciaire sublime, sous quelques jolies barres de séracs. L'heure "bleue" approche. J'attends le moment magique où tout s'embrase mais il n'y aura rien de comparable au Bishorn... Guillaume et moi traçons derrière un groupe de 3 suisses allemands qui comptent gravir la Bernina direct et rester à Marco e Rosa ce soir ausi. Puis il file en tête quand je prends une pause pour attendre Stef. Montée sous le Roseg. L'impression d'être seule en montagne. Ca fait du bien, cette sérénité retrouvée. Petit col. Fuorcla della Sella. Je siffle Guillaume pour qu'il fasse une pause, j'ai l'impression qu'il est parti de plus belle. Ah non, il a posé son sac, il doit juste se faire un petit aller retour sur le mamelon plus haut. Bonne idée, Je le rejoins alors que le soleil pointe, lever de soleil magique, un de ces instants de calme et de quiétude que seules les hautes cimes savent me procurer. Lueurs orangées éblouissantes sur ce bout du monde. J'adore.
Tiens la vue sur le couloir de montée au refuge aussi. Ca va, ça n'a pas l'air si dur. Magnifique ce coin, avec le bivouac Parravicini sur son éperon un peu plus loin.
Pas d'inquiétude sur le timing, Stef qui stressait de l'orientation du couloir doit aussi être rassuré, il est bien SW et les contreforts de la Crast Agüzza vont le protéger encore un petit moment du soleil ! Les conditions devraient donc être plutôt bonnes.
On arrive ensuite assez rapidement au pied du couloir, dans cette atmosphère un peu austère de chaque pied de couloir, on a quitté le soleil pour se retrouver dans l'ombre, et au froid. La neige est plutôt dure, on commence en traversée ascendante sur une neige qui cramponne bien. Nickel. Puis ça se redresse. Ouh là, j'avais plus l'habitude de ça moi ! Piolet en main (avec deux pioches ça aurait été bien plus confortable ), en pointe avant, main dans la neige, Guillaume en tête corde tendue, ça va le faire. Le sac est lourd mais ça va, c'est pas sur ça que mon esprit est concentré pour le moment !! La corde par contre qui me relie à Stéphane en bas me gène, elle vient toujours se mettre devant les pointes de crampons... ggr ça me fait pester. PUTAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIIIIIIIN LA CORDEUUUUUUUUU.
On passe la rimaye au milieu du couloir. un beau trou à gauche. Un gros gros pas à faire. Pousse sur tes jambes, nom d'un chien Fof ! Ca se redresse encore ensuite. Allez on souffle un coup. Les crampons tiennent bien mais je suis un peu crispée et ça fait mal aux cuisses et aux mollets !!! Je réclame quelques pauses à Guillaume qui, lui, s'amuse à filmer et à prendre quelques photos. Moi j'ose à peine regarder en dessous et au dessus alors pas question de sortir l'appareil !.
Aaaaaaaaaah, le soleil qui est là et qui réchauffe. La pente fléchit. Mais on est loin d'être sortis encore. Guillaume veut finir en traversée. Il est malade !!! Il ne me connait pas encore ! Il y a un peu de vent qui souffle et je n'ai aucune envie de basculer maintenant, surtout que là, le poinds du sac, je commence à bien le sentir !
Avec une fringale grosse comme ça on arrive enfin au refuge. Bel endroit. Bellavista et la Bernina en point de mire. On se pose au refuge et on commence la ronde classique du débarrassage d'affaires, séance photo et surtout fonte de l'eau quand un bruit d'hélico retentit. Merde, j'espère que c'est pas un secours sur la Bernina. Il se pose au col. Et a du mal à repartir.
Incroyable, ce sont deux héliskieurs qui vont descendre le couloir. héhé les ptits gars, la neige est un peu dure n'est-ce pas ?! Ils hésitent. C'est pas bon généralement l'hésitation en haut d'un joli et raide couloir... Ils cherchent le soleil mais, le couloir à treize heures n'a pas encore vraiment chauffé.... L'hélico les surveille et est en peine avec ce vent qui souffle maintenant très fort.
L'après midi se passe. Dos à la fenetre au vitrage plus que douteux histoire de choper un peu de soleil et de chaleur. Je me dis, et si on était allés à la Bernina tout de suite ? Après le couloir, on était encore "dedans". Ca ne rajoutait pas grand chose. Je me serais sentie d'y aller. Mais j'ai perçu Guillaume finalement peu motivé en ce début d'après midi. Et si finalement demain je la tentais cette Bernina ? A leur retour, la fille du groupe me disait que la trace était aisée et qu'elle, qui n'avait jamais fait de tel sommet, avait trouvé ça vraiment facile. Je pourrais au pire me creuser un trou à l'abri et les attendre ? j'en sais rien.
Ce soir le vent ne s'arrête plus. La Bernina demain sera-t-elle finalement envisageable ?